La littératie au préscolaire

Des enfants du groupe des 3-4 ans de la garderie ont réécrit et illustré (de manière très créative!) leur propre version de l’histoire du Petit Chaperon rouge!

Qu’est-ce que la littératie?

Dans sa définition traditionnelle, la littératie signifie l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Aujourd’hui, plusieurs chercheurs ont élargi cette définition pour rendre compte de la grande complexité de ce domaine d’apprentissage, notamment à l’ère du numérique1.

Dans une vision plus globale, nous pourrions donc définir la littératie comme étant l’ensemble des connaissances, habiletés et attitudes acquises pour communiquer, décoder ou analyser de l’information, des idées, des pensées, des sentiments, etc., et ce, par divers moyens d’expression – paroles, écrits, gestes, symboles, images, outils technologiques, ou autres2.

Pourquoi faire l’apprentissage de la littératie au préscolaire?

  • La littératie est un puissant moyen de communication, de réflexion, d’action et d’expression artistique. Elle permet à l’enfant de participer activement au monde.
  • La littératie fait intervenir plusieurs domaines du développement (cognitif, physique et socio-comportemental)3.
  • Les habiletés en littératie des enfants en maternelle prédisent leur réussite scolaire en 3e année (ce qui à son tour prédit leur réussite au primaire et au secondaire)4.
  • L’apprentissage de la lecture accroît l’activité cérébrale et modifie les connexions cérébrales et les aires auditives5.

Cultiver le plaisir de lire

Nous croyons à la grande importance de transmettre l’amour des mots aux tout-petits dès le plus jeune âge!

 

Plusieurs recherches ont démontré que l’un des facteurs les plus importants qui contribuent au développement des habiletés en littératie est l’intérêt des enfants envers la prélecture et la préécriture6. Bien avant d’en faire l’apprentissage formel à l’école, ceux-ci acquièrent à la maison et à la garderie une panoplie de connaissances qui contribueront à leur éveil à l’univers de la littératie.

Par exemple, des travaux ont démontré que le seul fait de feuilleter et manipuler des livres dès l’âge de 2 ans et demi a un impact sur le rendement en lecture au début du parcours scolaire, et ce, peu importe les facteurs individuels ou familiaux7. À la Garderie Imagine, tous les enfants ont accès librement à une panoplie de livres, et ce, dès la pouponnière!

Les objectifs éducatifs en littératie de la Garderie Imagine

Nos activités éducatives en littératie touchent à quatre grands domaines du développement qui sont des prérequis à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture : le langage, la conscience phonologique et l’éveil à la prélecture et la préécriture. Afin d’assurer que tous les enfants de la garderie acquièrent les compétences nécessaires pour favoriser leur réussite en littératie, nous avons établi les 4 objectifs éducatifs suivants8 :

1. Soutenir le développement du langage

Les recherches sont unanimes : le développement du langage précède l’apprentissage de la littératie et en jette les bases9. C’est pour cette raison qu’un retard de langage chez l’enfant amène souvent des difficultés d’apprentissage en littératie, d’où la grande importance de soutenir ce domaine du développement dès la naissance.

À ce sujet, la Garderie Imagine s’assure du bon développement langagier de chaque enfant. Par nos observations et par un processus de dépistage, nous évaluons les enfants qui semblent démontrer un retard de langage avec une grille d’évaluation du développement (GED). S’il s’avère qu’il en a un, l’enfant sera évalué et suivi par une orthophoniste qui travaillera de pair avec son éducatrice et mettra en application les recommandations du plan d’intervention.

Voici des exemples de nos objectifs éducatifs en ce qui a trait au développement langagier :

 

  • Multiplier et enrichir les différentes formes communicatives chez l’enfant (verbales et non verbales, symboliques et artistiques, etc.);
  • Développer, soutenir et consolider les compétences langagières de l’enfant : l’aider à acquérir et utiliser un vocabulaire riche, varié et précis, ainsi qu’à avoir un bon usage de la langue parlée à mesure qu’il avance en âge (grammaire, syntaxe, conjugaison, etc.);
  • Développer les habiletés conversationnelles de l’enfant : l’amener à bien exprimer sa pensée, ses sentiments, ses expériences (raconter, expliquer, décrire, etc.), autant sur la forme que sur le contenu (p. ex. structure, progression logique, chronologie des évènements).

Exemples d’activités éducatives pour le développement langagier
  • Faire de la lecture interactive en faisant participer les enfants (prédictions sur l’histoire, questions de type ouvertes, invitation à faire des parallèles avec leurs propres expériences, etc.);
  • Favoriser l’expression orale et artistique par la voie des cent langages (art dramatique, arts plastiques, jeux de marionnettes, musique et chant). À ce sujet, des chercheurs ont prouvé que le chant est l’une des meilleures activités pour favoriser l’appropriation du langage10;
  • Planifier des projets à long terme qui favorisent le développement de la pensée et de l’expression langagière (formulation d’hypothèses, séquences de planification-action-réflexion). L’enfant pourra également élargir ses connaissances et son vocabulaire par la documentation (livres, articles, images, recherche sur internet, etc.);
  • Aménager du temps pour des séances de jeux libres (par exemple les jeux symboliques où l’enfant « fait semblant ») ce qui développe le langage, l’imagination et les habiletés sociales;
  • Faire des activités éducatives ludiques qui permettent d’introduire du nouveau vocabulaire (avec des thématiques tels les animaux de la ferme pour les 18-24 mois, par exemple);
  • Intégrer des programmes qui favorisent le développement du langage : nos éducatrices utilisent la trousse Cornemuse qui développe les habiletés langagières et suivent le programme Brindami, qui pratique les compétences socio-langagières.

2. Favoriser l’éveil à la conscience phonologique

Qu’est-ce que la conscience phonologique? Il faut d’abord savoir qu’un phonème est la plus petite unité de son qui correspond à une lettre de l’alphabet :

 

  • Phonème : Si l’on prend la lettre « f » par exemple, son phonème est le son « ffffffff », mais non le son « èf ».
  • Syllabe : Il s’agit d’un groupe de phonèmes qui découpent naturellement un mot lorsqu’on le prononce. Par exemple, dans « cadeau », il y a deux syllabes, soit « ca » et «deau»11.

La conscience phonologique est donc la connaissance que « les mots du langage sont formés d’unités plus petites, à savoir les syllabes et les phonèmes12 ».

Exemples d’activités éducatives en conscience phonologique
  • Faire des jeux d’écoute divers (éveiller l’enfant aux différents sons présents dans son environnement, aux mots, aux rimes, aux rythmes, etc.) par l’exploration musicale, le chant, les jeux d’écoute active, etc.;
  • Discuter avec les enfants et jouer avec les mots ! Trouver des mots qui riment, faire des jeux drôles en substituant la première lettre des prénoms des enfants par exemple;
  • Chanter des chansons et des comptines et pratiquer la mémoire auditive (p. ex. en laissant les enfants finir des parties du couplet ou du refrain);
  • Raconter des histoires et lire des livres qui travaillent spécifiquement la conscience phonologique (livres avec un langage poétique qui travaille la rime ou l’allitération, par exemple);
  • Faire des activités ou des jeux de groupe amusants qui travaillent la conscience phonologique : découper les syllabes des mots en tapant des mains, demander aux enfants de deviner les phonèmes des mots (quel son entendez-vous dans « serpent », « ssssssserpent » ?).

3. Développer les habiletés en préécriture

Avant même de pouvoir apprendre à lire et à écrire, l’enfant doit prendre conscience que « les sons des lettres constituent également les sons du langage »13. Ce dernier doit donc saisir les concepts et principes suivants avant de pouvoir apprendre à écrire :

  • L’écriture peut transmettre des idées, des pensées, des sentiments, etc., et est créateur de sens et de valeur;
  • Tout ce qui est dit peut être écrit (le même texte écrit aujourd’hui sera pareil demain);
  • Les 26 lettres de notre alphabet s’écrivent d’une certaine manière qui ne change pas, mais l’on peut toutefois réagencer les lettres de différentes façons pour créer des mots et ensuite des phrases;
  • Les mots sont ce que nous lisons : ils s’écrivent sur des lignes qui forment des phrases, et la lecture de notre système alphabétique se fait de gauche à droite et du haut vers le bas14.
Exemples d’activités en préécriture
  • Écrire une histoire (avec l’aide d’une éducatrice) et en faire un petit livre ou un cahier imagé (voir les images qui défilent en début d’article);
  • Faire des activités d’arts plastiques sur divers supports et médiums (p. ex. : peinture à doigt, table lumineuse, craie sur le pavé, dessins, etc.) qui stimulent les différentes étapes de la préécriture : le gribouillis et l’apprentissage des lignes (peinture, dessin, lignes horizontales/verticales, courbes, etc.), l’observation des lettres et leur reproduction, ainsi que l’écriture des lettres et des mots;
  • Intégrer l’écriture à des activités quotidiennes de sorte que l’enfant commence à saisir les fonctions de l’écrit : raconter, partager, informer (p. ex. : écrire une lettre ou une note à un ami avec l’aide d’une éducatrice, signer leur nom sur une de leur création, créer des listes ou des tableaux interactifs amusants en groupe, etc.);
  • Afficher sur les murs des locaux les productions artistiques des enfants ainsi que tout support visuel ou affiche sur lequel il y a de l’écrit (p. ex. : mur à idées, création artistique, paroles de chansons connues des enfants, etc.), ce qui enrichit l’environnement et leur rappelle l’importance et l’omniprésence de l’écrit au quotidien.

4. Développer les habiletés en prélecture

L’enfant doit franchir différentes étapes avant de pouvoir apprendre à lire. En voici les principales :

  • La prélecture : l’enfant se fait lire des histoires (lecture guidée), il « lit » des livres seul ou à un ami (en regardant les images);
  • La lecture émergente : l’enfant commence par exemple à pointer des mots qu’il reconnaît dans un livre et acquiert une conscience plus développée du concept de l’écrit (il sait par exemple qu’il existe une différence entre les lettres et les mots et comprend que l’histoire racontée est contenue dans le livre qui est lu);
  • La lecture : l’enfant commence à pouvoir lire des nouveaux mots en utilisant les procédés suivants : le décodage, l’analogie ou la prédiction. Il parfait graduellement ses habiletés en lecture et en compréhension et gagne en efficacité et en fluidité.
Exemples d’activités éducatives en prélecture
  • Faire des jeux amusants qui travaillent la mémoire visuelle pour amener graduellement l’enfant à reconnaître des lettres, des mots ou encore les prénoms de ses pairs;
  • Lire des livres aux enfants : toutes nos éducatrices lisent une histoire par jour aux enfants! Elles travaillent la notion d’inférence (déduire des éléments de l’histoire selon les informations recueillies) et les incitent à poser un regard critique sur le texte (aussi appelé la littératie critique – ceci développe la compréhension de texte et l’esprit critique). Elles peuvent également leur poser des questions ouvertes en lien avec les choix des personnages, les faire réfléchir à propos de dilemmes éthiques et moraux, etc.;
  • Faire des jeux éducatifs ludiques qui permettent aux enfants d’associer des mots simples avec leur représentation en images. Le mur à idées en est un bon exemple, puisqu’on y affiche des mots et des images des activités et projets auxquels participent les enfants;
  • Inventer en groupe des histoires de manière créative (jeux de marionnettes, pièce de théâtre, etc.) tout en discutant ensemble des éléments de l’histoire, des personnages, de la narration, etc.;
  • Mettre en ordre des séquences narratives dans le cadre de jeux éducatifs (début, milieu et fin d’une histoire selon le déroulement des évènements) ce qui exerce l’inférence et la pensée logique.
Sources

1. En effet, à l’ère du numérique, plusieurs chercheurs ont élargi cette définition pour y inclure des moyens de communication allant au-delà des formes textuelles et verbales, dont celles visuelles et numériques. Source : Kennedy, E. (2013). Creating Positive Literacy Learning Environments in Early Childhood : Engaging Classrooms, Creating Lifelong Readers, Writers and Thinkers. [Chapitre d’un ouvrage collectif]. Dans Larson, J., Marsh, J. The SAGE Handbook of Early Childhood Literacy (p. 542-543). Los Angeles : SAGE.

2. Pour notre définition, nous nous sommes en partie inspirés de celle présentée dans le document suivant : Ministère de l’Éducation de l’Ontario (2016). Programme de la maternelle et du jardin d’enfants, p. 73. En ligne : http://www.edu.gov.on.ca/fre/policyfunding/kindergarten_program_fr.pdf

3. ECMap (2013). Développement de la petite enfance. L’ABC de la littératie chez les jeunes enfants : ce que tout parent, gardien d’enfants ou éducateurs doivent savoir. Bulletin « À petit pas ». En ligne : http://www.ecmap.ca/images/ECMap_Articles/ECMap_article_ABCEarlyLiteracy_French_20140908.pdf

4. Cantin, G., Bouchard, C., Charron, A. (2009). Langage et littératie chez l’enfant en service de garde. Québec : Presses de l’Université du Québec, p. 1-2.

Duncan, G.J., Dowsett, C.J., Claessens, A., Magnuson, K., Huston, A. Aletha, C., … Japel, C. (2007). School Readiness and Later Achievement. Developmental Psychology, 43(6), p. 1428-1446.

5. Dehaene, S. (2014). « Apprentissage de la lecture : l’apport des sciences cognitives ». Collège de France. En ligne : https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/symposium-2014-11-13-09h40.htm

6. Nanhou, V., Desrosiers, H., Tétreault, K., Guay, F. (2016). La motivation en lecture durant l’enfance et le rendement dans la langue d’enseignement à 15 ans. Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ 1998-2015) – De la naissance à 17 ans. Institut de la statistique du Québec, 8(3), p. 2. En ligne : http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/education/alphabetisation-litteratie/motivation-lecture.pdf

7. Ibid., p. 2.

8. Pour l’élaboration des objectifs éducatifs, nous nous sommes en grande partie inspirés du contenu présent dans l’ouvrage suivant : Soderman, A.K., Farrell, P. (2008). Creating Literacy-Rich Preschools and Kindergartens. Boston : Pearsons Education Inc.

9. « (…) le langage oral fournit au jeune enfant une base favorisant ses expérimentations avec la littératie. (…) Dans cette perspective, la relation ‘’langage-littératie’’ apparaît incontestable. » Source : Cantin, G., Bouchard, C., Charron, A. (2009). Langage et littératie chez l’enfant en service de garde. Québec : Presses de l’Université du Québec, p. 2.

10. Bolduc, J., Fleuret, C. (2009). La musique au cœur des pratiques en littératie. Le secrétariat de la littératie et de la numératie du Gouvernement de l’Ontario, Monographie nº 19. En ligne : http://www.edu.gov.on.ca/fre/literacynumeracy/inspire/research/Placing_Music_fr.pdf

11. Stanké, B. (2001). L’apprenti lecteur : Activités de conscience phonologique. Montréal : Les Éditions de la Chenelière, p. 2.

12. Jager Adams, M., Foorman, B.R., Lundberg, I., Beeler, T. (2000). Conscience phonologique. Montréal : Les Éditions de la Chenelière, p. 1.

13. Ibid., p. 1.

14. Soderm Soderman, A.K., Farrell, P. (2008). Creating Literacy-Rich Preschools and Kindergartens. Boston : Pearsons Education Inc., p. 74.